dimanche 13 juillet 2008

24 heures chrono sur une péniche

Nous vivons, Diego et moi, des journées bien chargées. Depuis ce matin 7 heures, j’ai été à la police des douanes Roumaines, au ponton pour régler le stationnement du bateau et remplir le rapport de navigation à la capitainerie du port.

Ce matin, les batteries étaient de nouveau morte car la pompe pour évacuer l’eau de l’évier de la cuisine fonctionne quasiment en continu à cause du refoulement de l’eau dû au gîte excessif du bateau (environ 2° à tribord).

Après avoir fait démarrer le générateur 24 volts, Diego a passé plus d’une heure dans la salle des machines pour faire démarrer le générateur 220 volts. C’est maintenant chose faite ! Nous avons commencé à déplacer les éléments de poids sur le pont central pour rééquilibrer le gîte du bateau. Nous allons voir comment transvaser l’eau et éventuellement le fioul des citernes tribord vers celles de bâbord. Nous avons déjà regagné un tiers de degré vers babord.

Nous avons eu une réunion avec le pilote pour une mise au point sur notre travail ensemble. Il nous voit, Diego et moi, sans aucune expérience ni de navigation, ni de mécanique, éléctricité ou plomberie, tenter de gérer le confort de 10 passagers à bord d’un bateau dont les commodités de bases ne sont pas encore existante, dans des pays dont nous parlons pas un mot, en gérant des ouvriers étrangers qui travaillent au milieu des passagers… Il a donc décidé de nous transmettre ses connaissances et de nous rendre le plus autonome possible en faisant de nous, une fois arrivés à Vukovar, des vrais marins d’eau douce. C’est vraiment une excellente école, car avec ses 40 ans d’expérience de navigation il nous apprend vraiment le métier. Malgré ses côtés souvent un peu rude, il nous explique, toujours dans notre Allemand commun de 20 à 30 mots, comment doit fonctionner un bateau et comment doit s’organiser la vie à bord. Il est très pédaguoge et s’assuren à chaque fois que nous avons bien compris et intégré avant de passer à la suite. C’est complètement nouveau pour nous et vraiment très intéressant.

Je découvre le métier de Capitaine. N’ayant jamais eu que quelques bribes d’informations sur le sujet, c’est beaucoup plus de responsabilité que ce à quoi je m’attendais… Et c’est à la fois un peu angoissant, mais très excitant et passionnant !

Yugo, qui est un pilote Serbe de 60 ans, est très à cheval sur les principes, l’autorité, la hiérarchie, la discipline, le travail… Il s’est donc mis en tête de faire de moi un vrai Capitaine. Et c’est vrai que la vie à bord avec 10 passagers et 3 membres d’équipage, dont des belges, français, anglais, serbe, canadien, roumain, américain, sur un Fleuve en eaux internationales entre deux pays dont un est dans l’espace Shegen et l’autre non, ce n’est pas une mince affaire…

Yugo m’explique, par exemple, que les passagers sur le bateau sont en territoire belge. Ce sont les lois belges qui sont d’application à bord. C’est pour cette raison que à chaque débarquement ou à chaque largage d’amarres nous avons un contrôle de police à bord. Comme en avion, on passe une frontière au décollage et à l’atterrissage. Simple contrôle si nous embarquons et débarquons entre deux ports d’un même pays et plus approfondi (les fameuses « Revizionne ») si nous débarquons dans un pays (la Bulgarie, par exemple) en provenance d’un port de le rive en face (la Roumanie)…

Changer de rive peut donc prendre plusieurs heures avant que les passagers ne puissent débarquer à terre… Yugo m’explique également que c’est le Capitaine qui garde les passeports des passagers entre l’embarquement et le débarquement. J’ai une farde avec tous les papiers du bateau, les passeports des passagers, la liste complète des passagers et des membres d’équipages, un document qui reprend la liste de tout le matériel à bord. Ces listes sont mises à jours à chaque contrôle et tamponnées par la police pour présentation au débarquement suivant.

Hier soir à l’arrivée, j’ai dû débarquer seul pour accompagner l’agent de police jusqu’au bureau des douanes, remplir le rapport de navigation, présenter les papiers des passagers et du bateau. Une fois le contrôle terminé, je rends leurs passeports aux passagers qui ont alors l’autorisation de débarquer. Je me rend ensuite à la capitainerie pour remplir le rapport de navigation.

Au niveau légal, le rôle du capitaine est important aussi. En cas d’accident avec un passager ou en navigation, le capitaine est responsable. Je dois garder les passeports des passagers après le contrôle de départ, jusqu’au contrôle d’arrivée dans la ville suivante. Après le contrôle de police. Je rends les passeports aux passagers, qui peuvent, à ce moment-là, débarquer librement à terre. Je suis également responsable du fait que notre pilote Serbe ne quitte pas la ville d’amarrage car il dispose d’un seulement d’un visa fluvial valable pour les villes du Danube.

Yugo me donne toutes une série de petits (et de grands) conseils en coulisses, tout en me mettant en avant à chaque fois… C’est très touchant. Il me dit ce que je dois faire et puis « allez, en avant, c’est au capitaine d’y aller ». Il ne se présente « que » comme le pilote qui obéit aux ordres du capitaine. Il répète : « Le capitaine dit go, je fais go. Le capitaine dit stop, je fais stop ». J’ai l’impression d’avoir un grand-père qui donne des conseils de vie à son petit-fils qui débute dans le métier… Et même si je n’en comprends pas toujours tout de suite le sens, je me rends compte, même après coup, qu’il y a toujours une bonne raison à ses recommandations.

Je me rends compte que, autant pour la sécurité, que pour l’organisation de la vie à bord, c’est vraiment important de prendre cette charge et les devoirs qui y sont associés…

(Ce post a été écrit le 12 juillet, avant l’accident. Je le publie tel quel)

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